La photographie m'incite à interroger mon rapport au réel.

La plupart du temps, notre esprit  filtre son objet suivant ses préoccupations propres, ses connaissances, ses émotions etc. Même lorsque nous sommes émus par une scène dont nous sommes les spectateurs, c’est que nous avons opéré le choix inconscient de la sélectionner parmi le flux incessant des sollicitations sensorielles qui nous parviennent.

 

L’appareil photographique n’est pas, comme le sens commun le croit quelquefois encore, un témoin plus fidèle de la réalité. D’abord il fait disparaître une dimension, ensuite il retranscrit le monde qui nous entoure suivant les lois de la perspective créées à la Renaissance, et qui sont des constructions mathématiques, enfin il isole un moment temporel extrêmement court que nous sommes incapables de saisir, au moins par les yeux.

 

Confronter ces deux abstractions, celle du sujet, avec son inconscient, ses émotions, son vécu, ses faiblesses, et celle de l’objet manufacturé, choisir des choses quotidiennes, la ville, le macadam, les épluchures, les carrosseries, faire quelquefois des montages : c’est le chemin que j’emprunte pour provoquer peut-être un instant le dévoilement (aletheia) chez celui qui regarde.

 

Le Holga, appareil photographique argentique moyen-format fabriqué en chine, me permet de questionner d'une autre façon cette réalité : je réalise une double exposition du négatif, ce qui me permet de réintroduire, d'une certaine façon, une épaisseur temporelle. D'autre part, la mauvaise qualité de l'objectif, des finitions, casse l'illusion de réalisme que nous attribuons trop souvent aux photographies.